"Entre démocratie et populisme" 10 façons de jouer avec le feu

Guillaume Lohest. 
Couleurs Livres

 
« … l’ur­­­­­­­­­­­­­gence d’in­­­­­­­­­­­­­vi­­­­­­­­­­­­­ter à penser et à débattre. 
ça s’ap­­­­­­­­­­­­­pelle l’édu­­­­­­­­­­­­­ca­­­­­­­­­­­­­tion perma­­­­­­­­­­­­­nen­­­­­­­­­­­­­te… »

 

Guillaume Lohest est chargé d’études en éducation populaire et rédacteur pour la revue d’écologie Valériane, il est l’auteur de Entre démocratie et populisme, dix façons de jouer avec le feu (Couleur Livres, 2019). Il a écrit plusieurs séries d’articles pour Nature et Progrès, qui valent le détour et que vous trouverez sue le site de Médiapart, par exemple : Sortir du capitalisme : joli slogan mais on fait comment ? ou encore : L’anticapitalisme, impossible slogan, impérieuse nécessité. Il a également réalisé une étude : « De quoi le jardin est-il le nom ? » qui pourrait inspirer un autre article : « de quoi la cuisine est-elle le nom ? »

Dans ce petit livre, Guillaume, outre nous rappeler que l’effondrement écologique n’est pas le seul danger majeur actuel, nous propose un exercice peu habituel : « prendre à rebours le bon sens militant le plus élémentaire, voire le bon sens tout court ». Il nous propose pour cela « une expérimentation de format ». « Plutôt qu’une structuration classique, je propose le détour par deux formes décalées : le journal et la liste. La première partie consistera à présenter des questionnements tels qu’ils sont apparus dans le fil des jours, au mois d’août et au mois d’octobre de cette année 2018. La seconde partie, plus théorique, sera organisée comme une liste de “pièges à éviter”

La proposition est donc « d’accepter ce pacte critique » et de « poser un regard impertinent sur toute une série de postures apparemment “progressistes”, “de gauche”, “pro-démocratiques”, pour interroger dans quelle mesure ces postures seraient en fait susceptibles de participer, peut-être malgré elles, à l’affaiblissement de la démocratie. »

L’auteur inscrit ses propositions dans un cheminement composé de moments de lectures, de rencontres, d’événements, de pages Facebook, d’élections communale ou brésilienne, d’articles de presse qui l’ont invité (et nous invitent) à de multiples questionnements. Montée de l’extrême droite, invocations du « peuple » et équivoque de l’adjectif « populaire », slogans simplistes, dénonciations « anti-système », simplification des récits, … comment tout cela nous remet-il en question ? Comment penser une position, une éducation qui ne fasse le lit des extrêmes  ? « Comment partager une parole commune, une critique de ce qui est injuste, avec des mots qui parlent au plus grand nombre, mais sans faire le lit des réponses simplistes ? »


Kroll

Guillaume nous invite à comprendre la suite du texte, « La liste » ou « Dix façons d’achever la démocratie en étant persuadé de la défendre », comme une « liste de « provocations à usage personnel et collectif » : un cortège partiel et partial de pensées et d’intuitions destinées à explorer ce qui pourrait concourir à affaiblir la démocratie dans nos propres positionnements, malgré nous en quelque sorte. »Donc, non des certitudes mais des questions, des doutes, des invitations à chercher, bricoler, revoir certains de nos concepts et attitudes. (voir le sommaire en note)

Pour vous mettre en appétit, voici quelques passages représentatifs de la démarche.

« Être « contre le système » est l’attitude la mieux partagée au sein du « système ». Tout le monde participe plus ou moins au « système », mais tout le monde est contre. »

« Peut-être faut-il accepter, en attendant de distinguer une issue dans cette réflexion sur les narratifs et la dramaturgie politique, de ne pas savoir, de ne pas visualiser la victoire. Cela ne signifie pas ne rien faire. Si l’on ne distingue pas de stratégie avantageuse, pour l’instant, en matière de récit, peut-être est-ce parce que la seule réponse que nous puissions opposer à la force brute des nationalismes est celle de nos valeurs, des droits et des libertés fondamentales. Il faut peut-être se résoudre à ne pas viser la victoire, mais à choisir la justice, le droit, la dignité. À ce titre alors, qui sait, en oubliant de construire artificiellement des héros, des victimes et des adversaires simplifiés, en agissant au nom des valeurs et des droits universels, à ce titre seulement, fragiles et sans calcul pré-électoral, des héroïnes et des héros se révéleront-elles/ils malgré eux. »

« Et soudain, le voici qui prend la parole, ce petit diable fatigué de la complexité du monde. Et il dit : tout cela se résume à une seule et même chose, voyons, c’est le capitalisme ! Et autour de lui, fatigués comme lui de se mobiliser sur tous les fronts et de réfléchir dans trop de directions différentes, beaucoup s’en remettent à l’exhortation de « convergence des luttes ». On n’est pas certain d’y croire, on pressent que c’est à la fois séduisant, nécessaire et problématique. Mais c’est un slogan qui a l’imprimatur de toute la tradition des mouvements sociaux. Et n’est-ce pas dans les vieilles marmites qu’on fait les meilleures soupes ? »

« Qu’il y ait des liens entre les phénomènes, c’est une évidence, et qu’il faille les penser, tout autant ! Mais à faire remonter artificiellement et théoriquement toutes les causalités à une source unique, fût-ce par souci louable de stratégie militante ou de récit global, on laisse prospérer dans le réel des causalités qui sont multiples, qui continuent d’agir à leur rythme, indifférentes aux théories qu’on construit à leur sujet par souci de mobilisations convergentes. »

« Aussi épuisant que cela puisse être intellectuellement de préserver une vision complexe des choses, une conflictualité interne aux mouvements sociaux, je pense que c’est nécessaire pour pouvoir rester sur tous les fronts, habiter chaque situation de lutte telle qu’elle se présente dans le réel, et non construire une fiction explicative simplifiée. Elle n’existe peut-être pas, la « mère de toutes les batailles ». Il y a peut-être juste des batailles, orphelines, indifférentes à nos poussées de fièvre théorique globale, chacune nécessitant des soins, de l’énergie, une attention particulière à ce qu’elle est, et non à ce que nous voudrions qu’elle soit. »

« La posture « antisystème » est déjà largement répandue. Or les postures sont le contraire de la pensée. « C’est dans le vide de la pensée que s’inscrit le mal », écrivait Hannah Arendt. » 

 

Ce livre est donc dans la lignée de ceux qui réveillent, loin des concepts « dormitifs » et tout à fait en concordance avec la proposition de François Flahault : « … la tâche de rappeler ce qui devrait êtreest aisée alors que celle de penser autrement ce qui estse révèle plus difficile que jamais. » 

Comment rester complexe en cette époque de slogans simplistes ? Comment ne pas perdre nos valeurs en relayant, parfois avec de bonnes intentions, des lectures binaires tordant la multiplicité des situations ? Comment développer une pensée courageuse, éloignée de la paresse des slogans ? Comment proposer des brides de récits, lucides mais inspirants ?

Comment proposer, comme le formule si bien Yves Citton, « non pas tant un système d’idées, cohérent et totalisant, fermement ancré dans la rigueur du concept, rassurant les esprits inquiets par sa prétention d’avoir réponse à tout (une idéologie), mais bien plutôt un bricolage hétéroclited’images fragmentaires, de métaphores douteuses, d’interprétations discutables, d’intuitions vagues, de sentiments obscurs, d’espoirs fous, de récits décadrés et de mythes interrompus, qui prennent ensemble la consistance d’un imaginaire, moins du fait de leur cohérence logique que de par le jeu de résonances communes qui traversent leur hétérogénéité pour affermir leur fragilité singulière. » ?

 

Merci Guillaume pour cette invitation à la vigilance et ce rappel de la difficulté de ce qu’est « éduquer » !

 

 Note :

SOMMAIRE :

Intro­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­duc­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­tion : La bête est reve­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­nue  ? Mais par où  ?

Première partie
Jour­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­nal

Quinze jours du mois d’août 
ou Comment je me suis ramassé l’ex­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­trême-droite sur la tronche
Octobre 
Échange avec les mili­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­tants, élec­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­tions commu­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­nales et gueule de bois brési­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­lienne

Seconde partie
Dix façons d’ache­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­ver la démo­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­cra­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­tie en étant persuadé de la défendre

1. Se limi­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­ter à l’éty­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­mo­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­lo­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­gie
2. Noyer le pois­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­son du popu­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­lisme
3. Être « contre le système »
4. Négli­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­ger la puis­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­sance des mythes
5. Mépri­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­ser les réseaux sociaux et réflé­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­chir sans partage
6. Soute­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­nir une dicta­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­ture sous prétexte qu’elle ne serait pas moins démo­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­cra­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­tique que nos démo­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­cra­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­ties impé­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­ria­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­listes
7. Exclure au moindre soupçon
8. Se griser de colère et de Révo­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­lu­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­tion
9. Fusion­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­ner tous les combats pour se simpli­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­fier la lutte
10. Pour­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­suivre indé­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­fi­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­ni­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­ment cette réflexion sur la démo­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­cra­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­tie

Conclu­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­sion : Quelques prin­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­cipes pour tenir la barre

Notes et réfé­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­rences biblio­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­gra­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­phiques 

 

 

Article proposé par Daniel Cauchy, co-fondateur de Rencontre des Continents

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