Le 26/08/2020
Par le Réseau IDée, regroupant 124 associations d’éducation à l’environnement *
Les associations d’éducation à l’environnement sont inquiètes. A l’incertitude liée aux défis écologiques et au coronavirus, s’ajoute une incertitude financière. Pourtant, leur travail reste indispensable.
C’est bientôt la rentrée. Le coronavirus nous a arrêtés, il n’a pas encore disparu, mais là, on le sent, on va pouvoir recommencer. Recommencer à enseigner, travailler, visio-conférencer, rouler, produire, importer, consommer, jeter. Ou pas. Ou différemment. Demain est incertain. Le Covid-19 a déchiré nos certitudes. On sait pourtant une chose : cette pandémie n’est qu’un symptôme. Celui d’un modèle de développement malade. D’après nous, ce qu’il faudrait rattraper, relancer, renforcer, c’est la lutte contre les dérèglements climatiques et pour la préservation de la biodiversité.
Nos politiques écoutent des scientifiques pour prendre des mesures face au Covid-19 ? Très bien ! Les scientifiques nous expliquent que les coronavirus auraient été transmis de l’animal à l’homme, qu’ils sont le résultat de la destruction accélérée des habitats naturels et de la commercialisation des espèces sauvages, comme de plus en plus d’épidémies. Une destruction accélérée par les changements climatiques. Or, de nombreux scientifiques prévoient une augmentation des températures moyennes de 3 à 7ºC d’ici la fin du siècle. Cela ne touche pas que le pangolin ou la chauve-souris. Cela nous touche nous aussi, déjà là, maintenant. En Belgique, cela se traduit notamment par une fréquence croissante de canicules, de sécheresses et de risques sanitaires. Chaque année nous dépassons les records de températures.
Un courant d’ErE
Les citoyen·nes l’ont bien compris. Rappelez-vous, 2019. Ils étaient des dizaines de milliers de jeunes et d’adultes dans les rues de Bruxelles, de Liège, de Namur et d’ailleurs, chaque semaine, pour exiger une politique climatique plus ambitieuse et plus équitable, mais aussi plus d’éducation relative à l’environnement (ErE). Car l’urgence est là. Le monde politique semblait l’avoir entendu. Mais une autre urgence – virale – semble avoir balayé les bonnes intentions. Pire, pour certain·es responsables politiques, l’épidémie de coronavirus semble le prétexte parfait pour enterrer les efforts écologiques. Pourtant, notre santé dépend fondamentalement de notre environnement.
La difficulté de changer de mode de vie
Plus que jamais, nous avons besoin d’éducation à l’environnement. Le confinement s’est traduit, pour certains, par une augmentation temporaire de la consommation locale, de la mobilité douce et de la reconnexion avec la nature. Pour d’autres, et notamment de nombreux jeunes dans les villes, il a signifié prison de béton, perte de liens sociaux et coupure avec la nature et l’environnement. Aujourd’hui, pour les premiers, le soufflé semble en partie retombé. Car changer nos modes de vie n’est pas simple. Pour les seconds, les perspectives restent sombres, l’avenir incertain.
Donner l’envie et le pouvoir d’agir
La situation écologique nécessite des mesures environnementales à la fois ambitieuses et justes. Elle exige aussi – surtout – un processus éducatif, nécessairement long. Un processus qui modifie nos regards, nos connaissances, nos compétences, nos sensibilités. En Wallonie et à Bruxelles, une centaine d’associations d’éducation à l’environnement en ont fait leur métier. Chaque année, ces associations touchent des dizaines de milliers d’enfants et enseignant·es, de jeunes et adultes, de familles… dans des stages, des animations, des classes vertes, des accompagnements de projets, des formations. Elles vont dans les écoles, les quartiers, la nature et sensibilisent grâce à des démarches pédagogiques actives qui donnent sens aux apprentissages. Pour (re)connecter petits et grands à la nature et au vivant. Pour rendre tous les citoyen·nes acteurs et actrices de la préservation des écosystèmes. Pour les aider à comprendre les liens entre enjeux environnementaux, sociaux et économiques. Pour leur donner l’envie et le pouvoir d’agir.
Ces associations d’éducation à l’environnement sont des espaces de recherche et d’expérimentation d’alternatives, d’autres façons de prendre soin de nous et des autres. La complexité des enjeux mais aussi l’ampleur des transformations nécessitent en effet des espaces de dialogue bienveillant, nuancé, où priment l’écoute, la créativité et le questionnement sur les impacts et les limites de notre modèle productiviste et consumériste.
Un financement très précaire
Aujourd’hui plus qu’hier, les acteurs de l’éducation à l’environnement font face à un double défi : celui de répondre aux besoins urgents et croissants, et celui de survivre avec des financements précaires. Il est essentiel, plus que jamais, de soutenir structurellement ces professionnel·les, au moment où nombre de citoyen·nes et d’écoles affluent en recherche d’information, de formation et de grand air. Au moment où de plus en plus d’enseignant·es du fondamental nous demandent de les accompagner pour faire classe dehors, comme solution sanitaire et pédagogique face à la pandémie. Au moment où les adolescents expriment le besoin de se retrouver et d’imaginer des futurs désirables.
Ne pas oublier l’associatif dans les plans de relance
Pourtant, les mesures liées au Covid-19 ont un impact financier conséquent sur les associations, suite à l’annulation de nombreuses activités. Beaucoup d’enseignant·es hésitent encore à inviter des animateurs ou animatrices en classe, même si c’est autorisé tant dans le fondamental que dans le secondaire. A cela s’ajoutent les incertitudes quant aux subsides, dont certains n’ont toujours pas été versés depuis janvier. En Wallonie, la mise en œuvre du décret de financement des associations environnementales est sans cesse reportée. En région bruxelloise, la tendance à développer les marchés publics au détriment de financements structurels fragilise aussi l’associatif. Le secteur de l’ErE et ses 500 professionnel·les sont inquiet.es. Ils souhaitent davantage de concertation avec les responsables politiques. Il ne faudrait pas que l’Education relative à l’Environnement – et plus largement l’associatif – soit les oubliés des politiques régionales et communautaires, les oubliés des plans de sauvegarde de l’emploi, les oubliés des plans de relance. Il n’y aura ni relance, ni avenir, sans éducation à l’environnement.
*Signataires : Le Réseau IDée, regroupant 124 associations d’éducation à l’environnement, dont : Inter-Environnement Wallonie, GoodPlanet Belgium, WWF-Belgium, écoconso, Natagora, Nature Attitude – CRIE d’Anlier, Education-Environnement – CRIE de Liège, Fédération des Parcs naturels de Wallonie, Fédération Belge Francophone des Fermes d’Animation, Société Royale Forestière de Belgique, Nature & Progrès, Sciences Inverses, Domaine de Bérinzenne – CRIE de Spa, Institut d’écopédagogie (ecotopie), Les Découvertes de Comblain, CRIE de Mouscron, Cercles des Naturalistes de Belgique, La Maison verte et bleue, Vents d’Houyet Académie, Tournesol-Zonnebloem, Grandeur Nature, COREN, Le Petit Foriest -Wolu-VERT, Riveo – Centre d’Interprétation de la Rivière, CRIE du Fourneau Saint-Michel, Aquascope Virelles asbl, Ligue Royale Belge pour la Protection des Oiseaux (LRBPO), Apis Bruoc Sella, Empreintes – CRIE de Namur, Rencontre des Continents,…