Les mots du (contre) pouvoir Traces, ressources, photos et impressions du Forum 2024 de RdC

Forum 2024 de Rencontre des Continents

30-11-2024 – au DK

- Traces, ressources et impressions -

Organisé par Sophie-Clémentine & Baptiste du collectif RdC

Agir sur la langue depuis une position féministe / anti-capitaliste

Le monde change plus vite que les dicos et les dicos moins vite que les mentalités. Il faut du temps pour acter les nouvelles lignes du respect. Nos mots nomment avec précision nos expériences et les transforment en réel pour les générations suivantes. Nos mots doivent être expliqués et explicités sans relâche pour ne pas redevenir cases et étiquettes, pour ne pas refaire langage de l’entre-soi. J’aime cette idée de réfléchir collectivement et avec souplesse à ce vocabulaire qui nous unit dans nos luttes

Lisette Lombé, Les mots du contre-pouvoir, petit dico féministe, anti-raciste et militant, Féministe toi-même, 2024

 

 

Partant du fait que les mots sont des supports permettant de penser le monde qui nous entoure et de se relier aux autres, comment faire pour qu’ils ne renforcent pas les dominations, mais soient au service de notre émancipation du patriarcat et du capitalisme néolibéral ? Cette question annonce la double démarche que nous souhaitions articuler à travers ce forum : dénoncer et énoncer

 

 

 

 

D’un côté, ce forum a permis de décrypter des formules qui formatent nos pensées et nos sensibilités au service des pouvoirs patriarcaux et néolibéraux. Nous nous sommes également intéressé·es aux trajets que les mots effectuent : récupération par le système dominant, retournement du stigmate, etc. D’un autre côté, ce forum était l’occasion de mettre en commun des pistes de résistances créatives.

Une double démarche voulu dans un forum à l’esprit accueillant, bienveillant, participatif, et ressourçant, hihi. Le cadre et les architectures invisibles des lieux et des dispositifs utilisés sont des attentions prioritaires du travail d’éducation populaire de RdC, ndlr.

 

 

Pour cela, rien de tel qu’un petit module d’introduction pour se rencontrer autour de termes interpellants, tels que « écoterroriste » ou « crime passionnel ».

 

 

L’occasion par exemple pour une participante d’interroger le terme « féminazie ». Ce mot valise, composé de féminisme et nazisme, est né dans la sphère républicaine anti-avortement aux USA dans les années 90. Son occurrence élevée sur le réseau social X, où nombre de femmes sont harcelées pour leurs positions progressistes, et poussées à désactiver leur compte, révèle une stratégie claire de silenciation par l’insulte. Ce terme, qui associe radicalité et totalitarisme, serait, selon la chercheuse Sophie Barel, le pendant numérique de la sorcière contemporaine. Il est aujourd’hui utilisé par certaines militantes elles-mêmes, dans une stratégie de retournement du stigmate, c’est-à-dire la réappropriation d’une insulte par le groupe oppressé. Cette utilisation ne fait pas l’unanimité au sein des mouvements féministes, contrairement par exemple au terme « queer », qui a été largement accepté par les communautés LGBTQIA+, et dont la connotation d’insulte est aujourd’hui oubliée.

 

 

L’atelier de desintoxication de la langue de bois mené par Thierry Barez et Karima Ghailani a permis une mise en commun des mots qui semblent nous « enfumer » : ceux dont on doute, dont on a l’impression qu’ils sont utilisés pour détourner notre attention, créer des écrans de fumée, etc. Il s’est agi ensuite de les classer par type de mots. Un exercice créatif de différentes saynètes a suivi, pour finir enfin sur une discussion pour faire émerger des pistes de résistances individuelles et collectives à la langue de bois.

 

La romaniste Céline Cocq, diplômée d’un master en études de genre, nous a quant à elle emmené dans une exploration anti-patriarcale de la langue française. Des exercices pratiques ont révélé la façon dont notre cerveau, bon petit soldat du patriarcat, pense au masculin si les mots le sont. Il n’existe pas de « neutre » ou « générique », que notre cerveau interpréterait comme tel. Cette utilisation d’un « masculin générique » a des racines historiques et politiques. Au 17ème siècle, l’entreprise de patriarcalisation de la société est soutenue par la disparition de termes auparavant couramment employés : doctoresse, peintresse, mairesse,... Les noms féminins de métiers valorisés socialement et économiquement sont supprimé par l’Académie, ce qu’elle justifie par « la supériorité des mâles sur les femelles ». Cette masculinisation de la langue opère encore aujourd’hui, où les forces de résistance à l’encontre de la dépatriarcalisation de la langue sont vives. Les linguistes observent que cette résistance augmente à mesure que l’on s’élève dans la hiérarchie des métiers (Lire à ce propos Eliane Viennot, Non, le masculin ne l’emporte pas sur le féminin).

 

Dans d’autres cas, certains noms de métiers, s’ils sont dans formulés au genre grammatical masculin ou féminin, ne renvoient pas à la même position dans l’échelle sociale. Et si on est bien d’accord que le problème, c’est l’échelle, on remarquera tout-de-même que cette différence révèle la structuration de notre société. Quelles représentations me viennent à l’esprit lorsque l’on me parle d’un couturier ? Sont-elles les mêmes que celles qui sont mobilisées lorsque j’entends le mot couturière ? Et dans le cas du mot entraîneur ou entraîneuse ?
Les mots, dans un double mouvement, confirment et organisent notre conception du monde. Pour citer Céline Cocq : « Le langage contribue à construire nos représentations sociales. Dès lors, si nous voulons faire avancer les choses vers une société moins sexiste envers les femmes et les minorités de genre, cela passe aussi par la langue. » Céline Cocq nous a ensuite guidé dans les pistes de démasculinisation de la langue, et les alternatives existantes ou à inventer : lettres non binaires (explorer le site Bye Bye Binary pour une typographie non binaire libre de droits), manières de créer des néologismes (mot-valise, dérivation, suffixation,...) L’atelier a aboutit sur la création de nos propres néologismes, qui est « une des manières de se réapproprier notre langue et de mieux la faire correspondre à notre vécu, nos expériences, nos réalités. » (Céline Cocq) Par exemple, l’accronyme MAT’, pour remplacer le terme « congé de maternité » : Maternité Active et Travaillante. L’atelier s’est clos sur la distribuation d’une grille à compléter pour nous aider à estimer dans quels contextes l’usage d’une langue inclusive est possible et fertile.

En
fichiers attachés :

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La liste des 80 mots de notre exposition, et les réflexions en duo ayant eu sur certains d’entre eux.

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La bibliographie complète relative au thème du Forum

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Quelques définitions de mots du contre-pouvoir issus du livre Les mots du contre-pouvoir, Petit dico féministe, anti-raciste et militant, Féministe Toi-Même, 2024.

>
Vous retrouverez ici
les traces,
photos
et ressources complètes
du
forum <

>
Et

les traces du Forum 2023 sur l’Écologie
Décoloniale <

>
Et

les traces du Forum 2022 sur les Dominations
Systémique <

Témoignages
de participant·es :

 

L’idée des brise-glaces est vraiment top ! Ça permet de ne pas entrer
dans le vif du sujet à chaud sans se sentir d’abord un peu plus à
l’aise.

 

Je me sens parfaitement à l’aise grâce cet atelier. Je confirme que
nous devons apprendre à écouter et décortiquer les mots car ils
ont plusieurs sens et peuvent se modifier suivant celui qui les
utilisent

 

L’accueil a été super, les participants étaient authentiques, vrais, les
mises en conditions superbes et le partage du repas grandiose.
Mille mercis

 

Je suis plutôt motivée. J’ai été active dans la militance
écologique il y a quelques années et cela m’a beaucoup usée.
J’ai ressenti un regain d’énergie et une envie de revenir dans
des groupes tels que le votre.

 

Contente d’avoir été en collectif pour discuter de cette matière. Je me
sens redynamisée.

 

Après l’atelier j’avais envie d’agir, de continuer à m’informer.

 

J’en suis sortie inspirée
... informée ...
avec
l’
envie
d’investiguer ...

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