Dans l’après-midi de ce dimanche 28 mars, une étrange procession vélocipédique festive remonte l’avenue Louise et finit par s’arrêter au coin de la rue Defacqz. Dans une atmosphère d’euphorie et de musique, le joyeux cortège finit par… entrer dans l’immense bâtiment faisant le coin entre les deux artères bruxelloises. Les passant.e.s s’interrogent : quelle étrangeté que de voir tant de personnes entrer avec une telle assurance dans un bâtiment qui ne leur semble pourtant pas destiné ! Mais, bien vite, les slogans fusent et les banderoles sont déployées : ce bâtiment, à l’instar de bien d’autres en région bruxelloise, est à l’abandon depuis au moins 5 ans, alors qu’un nombre croissant de personnes n’ont pas accès à un logement ou vivent dans des conditions presque inhumaines. Cette action, c’est l’œuvre de citoyen.ne.s, avec ou sans papier, et d’acteurices du droit au logement à Bruxelles, qui se sont rassemblé.e.s pour mener la “Campagne de Réquisitions Solidaires”. Ces 3 mois de mobilisation, qui se “concluent” par la “réquisition” de ce 6ème et dernier lieu, auront déjà permis à 450 personnes de se loger, droit fondamental s’il en est. Aux côtés d’une cinquantaine d’autres organisations, Rencontre des Continents a évidemment tenu à soutenir cette initiative.
Cette problématique de l’inoccupation immobilière est loin d’être un enjeu récent à Bruxelles. Cela fait des années que des citoyen.ne.s s’insurgent contre cette tendance à davantage encourager la spéculation et la propriété lucrative que l’accès au logement pour toustes. Et il y a de quoi ! Les chiffres sont édifiants : à Bruxelles, ce sont entre 15.000 et 30.000 logements qui sont vides et inutilisés. Cela équivaut à plus de 6 millions de mètres carrés inoccupés, soit la taille de la commune d’Ixelles. Face à l’inertie des pouvoirs publics, bon nombre de personnes se sont organisées pour tenter de répondre à cet enjeu, en créant des association comme la FEBUL (Fédération Bruxelloise Unie pour le Logement), mais également en occupant ces bâtiments afin de leur redonner vie, et de permettre à bon nombre de personnes issues de la diversité socio-culturelle de trouver un logement, mais également un lieu épanouissant dans lequel s’impliquer. Car, pour certain.e.s, se réapproprier des bâtiments abandonnés pour s’y loger, ce n’est plus une réponse citoyenne à un enjeu social, c’est un véritable besoin vital. Et lorsque l’on a pas de papier, trouver un logement peut vite se révéler être une mission presque impossible. C’est pourquoi la campagne milite également pour la régularisation de toutes ces personnes qui sont usagères de la même ville que nous, mais qui n’ont pas les mêmes droits, faute d’un simple document.
Cette campagne, destinée à toucher le grand public, permet de visibiliser, de légitimer et de dédiaboliser ces actions emplies de sens et de magnifiques idéaux, souvent associées à un milieu assez mal dépeint : le milieu du “squat”. Loin de l’image (très rarement vérifiée par mes expériences personnelles) de l’endroit insalubre abritant des “punks” au lancer de pavé facile, ces bâtiment sont souvent des lieux de vie, destinés au logement, mais également à retrouver du lien, à avoir un impact positif sur le quartier, à construire et incarner les idéaux qu’iels veulent voir fleurir dans le monde de demain. Cette campagne a également permis de visibiliser la stigmatisation qui affecte encore et toujours ce milieu, dont les membres sont davantage vu.e.s comme des criminel.le.s (entrée par effraction) que comme des citoyen.ne.s engagé.e.s pour le bien-être de toustes. On a pu, entre autres, constater la répression policière disproportionnée qui a entouré la réquisition de l’ancien hospice de Pacheco.
Et cette campagne a beau sembler être terminée, elle s’est plutôt transformée. Les “réquisitions publiques” ont pris fin, par risque d’être récupérées ou instrumentalisées par les médias et les décideureuses politiques. Mais les organisateurices ne baissent pas les bras, loin de là ! Iels appellent d’abord à soutenir les 6 occupations existantes, mais également à “favoriser la décentralisation et la multiplication des actions.”
En guise de mot de la fin, l’un des slogans de la campagne :
Régularisation et toujours plus de réquisitions !
Maxime Cowez, membre du collectif RdC et en stage dans l’équipe
Le texte de soutien co-signé par RdC (ainsi qu’une 50aine d’autres organismes) :
https://cloud.disroot.org/s/y6nGkBc5njoGZjE?fbclid=IwAR1XFaIZZ6UnvKe2H5J0IRcG3XS30eUIt723RrOJTpTb4ZFAagFtTK6bdks
La déclaration qui explique plus en détails pourquoi cette occupation sera l’une des dernières dans le cadre de la campagne de réquisitions solidaires :
https://cloud.disroot.org/s/DoKNCXHRWkw4ogB/download
La page Facebook de la campagne :
https://www.facebook.com/campagnerequisitionsolidaire/
En savoir plus sur l’occupation temporaire et le droit au logement ? Le site de la FEBUL : http://www.febul.be/